BAROMONTRES 2023 #03 (mars)
Les faits, les hommes et les marques qui ont influencé la météo horlogère de ce mois de mars 2023
Troisième Baromontres de l’année 2023, avec douze coups de projecteur sur les grandes tendances climatologiques de l’horlogerie pour le mois de mars 2023 : un début d’année qui souligne les incertitudes de toute la communauté sur les douze mois à venir. Notre Baromontres exclusif évalue les hautes pressions et les dépressions de la barométrie pour tout ce qui concerne l’industrie horlogère. Un bulletin météo en toute liberté et sans la moindre révérence, avec le seul souci d’apporter un peu de lumière sur ce millésime 2023, dont on ne voit pas encore clairement ce qu’il nous réserve…
IN MEMORIAM
❑❑❑❑ GERD-RÜDIGER LANG (fondateur de Chrnoswiss)
Il faisait partie de la poignée (au sens littéral) des hommes qui ont cru à la renaissance de l’horlogerie mécanique, alors que le tsunami des montres à quartz menaçait de tout emporter. Cet horloger allemand vient de nous quitter à l’âge de 80 ans : il avait fondé à Munich, en 1983, la marque Chronoswiss, après avoir travaillé pendant près de trente ans pour la maison Heuer, dont il devait racheter les stocks de mouvements mécaniques et de composants pendant la grande débâcle du quartz [ce sont ces mouvements qu’il avait recyclés pour lancer les premières collections de Chronoswiss]. Sans quelques « héros » visionnaires comme Gerd-Rüdiger Lang, il est probable qu’il n’y aurait plus aujourd’hui d’horlogerie traditionnelle…
AVIS DE GRAND BEAU
❑❑❑❑ JEAN ARNAULT (Louis Vuitton)
(information publiée dans notre Baromontres de novembre, mais retirée alors à la demande Jean Arnault parce que prématurée)
Encore lui, mais, cette fois, ce n’est pas pour Louis Vuitton (voir notre avant-dernier Baromontres : Business Montres du 30 septembre) !C’est qu’on a pu vérifier ce mois-ci que, non content de piloter la résurrection horlogère de Louis Vuitton, Jean Arnault avait personnellement poussé à la renaissance de la marque Daniel Roth, avec un atelier déjà mis en place à Genève (révélation Business Montres du 3 octobre), et qu’il avait repris dans la foulée les opérations de relance de la griffe Gérald Genta dans la haute horlogerie. Deux réveils pour deux Belles au bois dormant fétichisées par les collectionneurs. Deux turbos ajoutées à un moteur déjà puissant : Quo non ascendet ?, comme disait le surintendant Fouquet avant le 5 septembre 1661…
❑❑❑❑ JEAN-CHRISTOPHE BABIN (Bvlgari)
Il vient de prouver, pendant la récente Wonder Week genevoise, qu’il y avait une vie en dehors de Watches & Wonders – et même beaucoup de profits à tirer d’une localisation plus prestigieuse et moins coûteuse que les halles de béton de Palexpo ! Campé au sommet de l’hôtel (Président) Wilson d’où il jouissait d’une des plus belles vues sur le lac de tout Genève, il a pu faire profiter ses détaillants et ses collectionneurs de cette lumière du jour qui manque tant à Palexpo. Ses soirées ont été les plus courues de toute la Wonder Week, de même que ses rendez-vous quotidiens avec la « crème » de la distribution internationale. Mieux encore : ses commandes ont été d’autant impressionnantes que sa nouvelle collection Octo Roma est une des plus efficaces « machines de guerre » commerciales de ce printemps : de quoi le propulser très vite dans le Top 10 des vraies marques d’horlogerie. Ses Geneva Watch Days de la rentrée de septembre s’annoncent déjà comme un futur rendez-vous à ne pas rater…
❑❑❑❑ THOMAS BAILLOD (Ba111od)
À force d’initiatives originales et de propositions radicales, tant dans la distribution de ses montres que dans la création de nouveaux concepts, Thomas Baillod s’impose comme un des disrupteurs les plus actifs de la communauté horlogère. La dernière création de sa marque Ba111od ne se contente pas de mettre en piste un vrai mouvement manufacture [conçu, développé et produit par Olivier Mory, une des étoiles montantes de la nouvelle horlogerie] : elle dévoile une épatante lecture hypocycloïdale de l’heure – un marqueur qui tourne rond dans un triangle, ce n’est pas banal ! Soit une lecture asymétrique du temps, qui semble ralentir et accélérer en suspendant parfois le sentiment de durée. En prime, un verre saphir connecté NFC : avec Thomas Baillod, il y a toujours une surprise dans la surprise !
❑❑❑❑ JEAN-CLAUDE BIVER (Biver)
Tout le monde attendait ce vétéran des grandes batailles horlogères au tournant, puisqu’il avait annoncé, voici un an, le lancement de sa propre marque. Son Carillon tourbillon résume à la fois le meilleur de la culture horlogère contemporaine (complications mécaniques, finitions superlatives, codes génétiques du sport chic, prix stratosphériques) et le meilleur des souvenirs d’une carrière horlogère exceptionnelle – ce qui reste quand on a tout oublié. Sur les réseaux sociaux, les chiens ont aboyé quand la caravane familiale des Biver est passée : Jean-Claude Biver avait sans doute oublié de leur distribuer la pitance publicitaire à laquelle il les avait habitués. Péripéties subalternes, puisque ce Carillon tourbillon a été la montre la plus commentée de cette Wonder Week du printemps 2023…
❑❑❑❑ YVES MEYLAN (Le Rhöne)
Il fallait un certain courage pour passer d’un long et très honorable parcours chez Jaeger-LeCoultre, complété par une très avantageuse mise sur orbite chez Audemars Piguet, à la reprise en main d’une « petite » marque créative comme Le Rhöne – surtout quand tout le monde semble vous prédire la plus éclatante des carrières au sein d’un groupe de luxe. Yves Meylan a fait ce choix en toute lucidité, parce qu’il accorde une valeur particulière aux valeurs humaines et parce qu’il sait qu’il sera plus épanouissant d’aider une belle idée à grandir plutôt que de ferrailler dans les machiavéliques combinaisons des grands états-majors du luxe horloger. Le Rhöne, où tout reste à faire sur le terrain, sera sans doute un fauteuil moins confortable matériellement, mais quel paradis moral à côté de l’enfer des « grandes » marques…
❑❑❑❑ PIERRE SALANITRO (S by Salanitro)
Jusqu’ici, Pierre Salanitro avait tout réussi : son atelier était le leader et le pionnier de l’horlogerie joaillière, tant par la créativité de ses équipes que par leurs compétences techniques. Une fois son entreprise adossée par sécurité au groupe Patek Philippe, il a néanmoins eu le courage de se remettre en question pour lancer une nouvelle marque, S by Salanitro, placée sous le signe de la création et de l’innovation appliquées à la mise en valeur d’objets d’exception dans le domaine du luxe – hors horlogerie mais toujours dans la très haute joaillerie et le plus éblouissant travail des pierres. La vision de la griffe S by Salanitro reste axée autour de la mise en scène de nouvelles émotions et de la recherche de nouveaux émerveillements, au carrefour d’un autre regard à poser sur des objets issus de très anciennes cultures repensés en termes contemporains. L’œil et la main, en plus de l’intelligence et de la volonté : une énergie imparable pour aller le plus loin possible !
❑❑❑❑ BERTRAND SAVARY (Arnold & Son-Angelus)
Que de noms de marques célèbres sur sa trace (Jaquet Droz, Breguet, Bvlgari, Vacheron Constantin, Jacob & Co. – on en passe et on en oublie), mais, depuis 2020, c’est la toute petite manufacture Arnold & Son, jumelée pour la circonstance avec Angelus, qu’il se consacre avec un plaisir non dissimulé et, surtout, avec un bonheur non contestable dans les réalisations qu’il met en scène. Ses créations tombent justes, ses audaces sont maîtrisées et la créativité de ses marques semble immanquablement au rendez-vous, avec le souci permanent d’étonner par la qualité d’exécution des montres du catalogue que par leur respect de la tradition. Épaulées par la manufacture La Joux-Perret, bras armé suisse du groupe Citizen, les « manufactures de niche » Arnold & Son et Angelus sont devenues les témoins d’une haute horlogerie mécanique qui sait se repenser – identité singulière, néo-classicisme créatif et volonté farouche de durer sans se renier. Bertrand Savary est un pionnier défricheur des nouvelles cultures de la montre. C’est déjà beaucoup…
❑❑❑❑ ALAIN SILBERSTEIN (Alain Silberstein)
C’est l’année Silberstein, avec une série de « collaborations » tous azimuts (Angelus, Bell & Ross, Louis Érard, Ressence, etc.) et le lancement d’iZman (une horlogette plutôt révolutionnaire) sous sa propre signature (Business Montres x Atlantico du 31 mars et Business Montres du 28 mars). La « patte » Silberstein se repère au premier coup d’œil : c’est cette identité spontanée qui aimante l’attention des marques en quête de fructueuses « collabs ». L’expérience Silberstein se devine dans l’attention portée à l’ergonomie et au moindre détail créatif. Le style Silberstein, c’est celui d’une certaine approche française de l’horlogerie, élégante et désinvolte, esthétique et culturelle, classique et pimentée. Pendant près d’un demi-siècle passé à explorer de nouvelles idées horlogères, Alain Silberstein aura tout essayé sans jamais nous lasser. Il est troublant que la France et la Suisse n’honorent pas davantage ce « trésor vivant »…
❑❑❑❑ WONDER WEEK (salons horlogers du printemps à Genève)
Le traditionnel rendez-vous genevois du printemps a pris cette année une ampleur salutaire, jusqu’à effacer le souvenir des rendez-vous bâlois et même celui des anciens SIHH, creusets nostalgiques que tout le monde sait désormais incompatibles avec les nouvelles attentes de la communauté horlogère. Près de 170 marques étaient au rendez-vous, plus ou discrètement, et il semble bien qu’on en verra plus de 200 l’année prochaine sur les bords du lac. Dommage que la plus importante rencontre internationale autour des montres soit encore gâchée par des considérations mesquines d’appareils et par l’incapacité des autorités de la ville à susciter la transformation d’un salon exclusif de marques en festival inclusif de la montre. La pérennité du rendez-vous genevois tient à la liquidation des réflexes obsolètes d’un passé révolu…
AVIS DE TEMPS VARIABLE
❑❑❑❑ WOKISME (la dérive « raciste » de l’horlogerie)
Les horlogers européens, qui ont pris le parti de représenter la « diversité » dans leurs images promotionnelles, ont-ils bien compris à quel point ils étaient… racistes et qu’ils manifestaient sans le savoir un fabuleux inconscient ségrégationniste ? Certes, les peaux mélanodermes (« noires ») mettent mieux en valeur les montres que les peaux leucodermes (« blanches »), toutefois chacun sait bien que les gros bataillons mélanodermes, notamment africains, ne représentent qu’une partie infinitésimale de la clientèle des marques horlogères. C’est donc uniquement pour leur peau que les Africains ou les Afro-Américains figurent de plus en plus souvent sur les images de montres portées – plus d’un tiers, sinon près de la moitié des visuels promotionnels peuvent en témoigner. Qu’est-ce que le racisme, sinon une priorité donnée à la couleur de la peau sur la valeur de la personne ? Pour les horlogers, qui peuvent l'estimer commercialement négligeable, le « Noir » n’a de valeur que par et pour la pigmentation de son épiderme – pire encore : par l’ensemble des représentations doloristes attachées (pour cause de repentance masochiste) à la seule couleur de cette peau. C’est effrayant, ce racisme induit au nom des bons sentiments !
AVIS DE TEMPÊTE
❑❑❑❑ WATCHES & WONDERS (le politburo horloger)
La gestion sectaire et quasi-soviétique de Watches & Wonders par l’équipe Richemont a provoqué, cette année encore, de vives tensions : en blacklistant deux médias indépendants, et eux seuls (Astrid Wendlandt, la légendaire Miss Tweed, et Business Montres, ce que nous prenons comme un honneur et comme un brevet de non-alignement), cette équipe Richemont a démontré aux marques exposantes qu’elles n’avaient ni la maîtrise de leurs invitations [les accès fournis par les marques qui avaient invité ces médias ont été purement et simplement désactivés, sans qu’on en prévienne les marques invitantes !], ni même la maîtrise de leur communication, puisque ces médias se sont vus interdire l’accès au media center du salon ! Alors que la Wonder Week genevoise prend de l’ampleur et consolide sa place dans le calendrier horloger, la mesquinerie bureaucratique des gestionnaires de Watches & Wonders ne peut que favoriser l’exfiltration de marques qui avaient choisi d’y exposer tout en renforçant l’attractivité des expositions en centre ville : rappelons que c’est la dictature tatillonne des petits comptables bâlois et des caporaux hystériques rhénans qui avait précédemment tué Baselworld…
LES PRÉCÉDENTS BAROMONTRES 2022
❑❑❑❑ FÉVRIER 2023 : Benjamin Arabov, Enrico Barbasini et Michel Navas, Rick de la Croix, Wonder Week ; les comiques de la collab, Jean-Daniel Pasche, statistiques horlogères ; Breguet, Genève capitale horlogère, groupe Aiôn (Business Montres du 2 mars)
❑❑❑❑ JANVIER 2023 : Anna Beyer, Reinhard Reis ; Raynald Aeschlimann, Alexandre Labails, Pierre Maudet, Guido Terreni, Julien Tornare ; le culte du cargo, les enchères horlogères ; Nick Hayek, Klokers, Jean-Daniel Pasche(Business Montres du 31 janvier)
❑❑❑❑ DÉCEMBRE 2022 : Thomas Baillod, Quentin Carnaille, Jean-Frédéric Dufour, Marco Gabella, Georges Kern, Business Montres ; Alain Delamuraz, Specialist Watchmakers-Richemont ; Audemars Piguet, Wokidingueries (Business Montres du 31 décembre)
❑❑❑❑ NOVEMBRE 2022 : Hervé Laniez ; Yvan Arpa, Jean-Christophe Babin, Bruno Bellamich et Carlos Rosillo, Christopher Bôle, Nicolas Brunschwig, Maximilian Büsser, Claude D’Amore, Franck Declerck, Fabienne Lupo, Sylvain Pinaud, William Rohr ; Raymond Loretan, les médias perroquets ; la cryptomanie (Business Montres du 30 novembre)
❑❑❑❑ OCTOBRE 2022 : Jacob et Benjamin Arabo, Jean Arnault, le Cercle des horlogers, Rick de la Croix, Georges Kern, Alexandre Léger, Thierry Stern ; inflation créative, Watches & Wonders ; Kany West et les ambassadeurs horlogers (Business Montres du 31 octobre)
❑❑❑❑ SEPTEMBRE 2022 : Alain Ballaguy ; Jean Arnault, Alexandre Beauregard, Tim Cook, Benoît Dubuis, Dominique Renaud et Julien Tixier, Guillaume Laidet, famille Herbelin, Samuel Hoffmann, Fabienne Lupo, Éric Pirson, Pierre Salanitro ; GPHG 2022, Harry Guhl ; Nick Hayek (Business Montres du 30 septembre)
❑❑❑❑ AOÛT 2022 : Piero Superchi ; Alessandro Bogliolo, Creamy Patina, Geneva Watch Days, Pierre Lannier, Sylvain Pinaud, Timex, « Repérages » ; GPHG 2022, récession, Instagram ; boule de neige chinoise, pénurie énergétique, Richemont-Farfetch, tropisme chinois (Business Montres du 31 août)
❑❑❑❑ JUILLET 2022 : Taras Lemeshko ; George Bamford, David Henderson-Stewart, Emmanuel Macron, Ludwig Oechslin, Romain Réa, Rexhep Rexhepi ; GPHG 2022, groupe Richemont ; spéculation horlogère, capsules et collabs (Business Montres du 31 juillet)
❑❑❑❑ JUIN 2022 : Yvan Arpa, Johan Bizy, Emmanuel Breguet, Maximilian Büsser, Antonio Calce, Hakim el Kadiri, Andrea Furlan, Pierre Jacques, Marine Lemonnier et Miguel Rordriguez (Business Montres du 30 juin)
❑❑❑❑ MAI 2022 : Jean-Jacques Fiechter ; Manuel Emch + Alain Silberstein + William Rohr, Patrick Getreide, Georges Kern, Jean-Marie Schaller, Marco Tedeschi ; mercato virtuel ; enfumage statistique, insécurité, macro-économie délabrée (Business Montres du 31 mai)
❑❑❑❑ AVRIL 2022 : Carlo Lamprecht ; Jean-Christophe Babin, Jean-Louis Glénat, Fawaz Gruosi, Georges Kern, Étienne Malec, Maurizio Mazzocchi, David Sanchez, Alain Silberstein, Julien Tornare ; Karl Friedrich Scheufele, poisson d’avril de Business Montres ; Fondation de la haute horlogerie, Jérôme Lambert, Catherine Rénier (Business Montres du 30 avril)
Coordination éditoriale : Eyquem Pons