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LE SNIPER DU LUNDI (bloc-notes en accès libre)
Pourquoi faut-il mettre au conditionnel toutes les prévisions des « experts » concernant le redécollage du marché chinois ?

Neuvième Sniper de l’année 2023 : on va donc vous parler, entre autres, du coup de frein en cours sur le marché américain, de l’agonie des sociofinancements sur Kickstarter, de remaniements sur le marché du CPO et de voyageurs chinois aux abonnés absents – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. Les qualités d’un bloc-notes selon l’excellent Sylvain Tesson ? « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Bloc-notons donc dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…


PRÉVISION…

Au programme de la semaine, en plus de nos chroniques habituelles, le premier Baromontres de l’année, pour repérer les faits, les hommes et les marques qui ont animé l’actualité horlogère de ce premier mois de l’année 2023. Il faudra bien aussi reparler de la décision très intelligente d’Omega de relancer la bataille entre les géants de l’horlogerie sur le terrain – jusqu’ici déserté par à peu près tout le monde – de la chronométrie et de la précision. Nous irons également faire un tour à Rétromobile, une cour de récréation de plus en plus fréquentée par les marques de montres (entre autres, MB&F, B.R.M., Depancel, Arpiem, etc.)…

DIVISION…

Vous aurez remarqué que l’avenir économique de la Chine n’est plus aujourd’hui exprimé, chez les experts occidentaux, qu’en termes d’espoir, d’estimation ou de souhait – cet avenir est toujours et systématiquement mis au conditionnel. Pour notre part, au risque de désespérer les bureaux d’études, les cabinets de conseils et les grandes agences de consulting, nous avons choisi de douter définitivement la capacité de la Chine à renouer avec sa splendeur bullesque de ces dernières années : tant le plan politique [la survie du régime capitalo-communiste], qu’économique [le retour à une croissance d’entraînement pour toute la société], géopolitique [les affrontements prévisibles avec les Américains], démographique [que restera-t-il de la Chine dans cinquante ans ?] ou même culturel, les indices sont pour nous négatifs à court, moyen et long terme – selon les dossiers considérés. Tout le monde croise les doigts, avec un titre révélateur dans Le Point : « Le lapin est associé à la chance ». Un nouvel argument pour étayer ce pessimisme : alors que tous les stratèges et les consultants du luxe tablaient sur une explosion des voyages à l’occasion du récent Nouvel An lunaire et à la faveur de la levée d’à peu près toutes les mesures anti-pandémiques, on découvre, dans les médias du régime, qu’on a enregistré pour cette Année du lapin 226 millions de voyages à l’intérieur de la Chine, pour 420 millions de ces mêmes voyages de Nouvel An en 2019. Un indicateur qui fait froid dans le dos : si les achats traditionnels du Nouvel An lunaire ont été également divisés par deux par rapport à 2019, on est mal…

RÉVISION…

Confirmation par la toujours très pointue Miss Tweed d’un changement de stratégie commerciale chez Audemars Piguet pour ce qui concerne le marché de la seconde main [voir nos informations Business Montres du 28 janvier]. Une révision confirmée par l’actuel et futur ex-CEO d’Audemars Piguet, mais pas avant la fin de l’année : « Pour l'instant, nous ne sommes pas encore prêts, mais nous le serons ». Selon Miss Tweed, « la décision d'AP va mettre la pression sur ses concurrents Patek Philippe et les horlogers du groupe Richemont pour qu'ils lui emboîtent le pas, estiment certains experts du secteur. “L'activité CPO va devenir plus importante que l’activité du neuf”, a prédit François-Henry Bennahmias lors d’une conférence organisée à Paris par le cabinet de recrutement The Vendôm Company, spécialisé dans le luxe. “Nous allons lancer la nôtre vers la fin de l'année. (…) Notre objectif n'était pas d'être les premiers, mais de bien faire les choses”, a expliqué François-Henry Bennahmias lors de la conférence. Il parle en connaissance de cause. AP a lancé son premier programme d’occasions certifiées avant la pandémie mais l’a interrompu après avoir essuyé des critiques. “Nous avons fait complètement marche arrière sur le CPO, mais nous y sommes revenus. Vous verrez notre nouvelle stratégie à la fin de l'année 2023”. » Tout ceci sur fond de reconsolidation de ce marché de la « montre d’occasion », hier méprisé par les marques, mais désormais choyé parce qu’il représente leur principal relais de croissance dans les années à venir…

INSPIRATION…

Il est tentant de jouer au « Jeu des sept erreurs » en juxtaposant ces deux montres : chacun comprend ilmmédiatement qu’elles ont un air de famille plus qu’accentué. Celle de gauche est une des pièces maîtresses de la collection « Swiss Made » proposée par la maison Festina (référence Festina F20150/4 : 1 200 euros pour ce chronographe automatique de 43,5 mm). Celle de droite est la montre d’aviateur chronographe 41 de la maison IWC (référence IW388103 : 8 300 euros pour ce chronographe automatique Swiss Made de 41 mm). Les codes esthétiques cousinent avec obstination (disposition du cadran, boîtier, poussoirs, touches de couleur, style pilote, etc.) – même le bracelet possède les mêmes piqûres ! L’excellent site Montres de Luxe a également signalé cette troublante gémellité – comme on dit dans les romans d’action, « toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé », etc…

RÉCESSION (1)…

Depuis quelques mois, dans les industries du luxe, et notamment dans l’horlogerie, tout le monde se pose des questions sur le marché américain. Officiellement, tout va pour le mieux dans le meilleur des montres puisque les États-Unis sont redevenus, loin devant la Chine, le premier marché d’exportation pour l’horlogerie suisse. Sauf que… Sauf que, sur place, les ventes ont sérieusement freiné fin 2022 (notamment pendant les fêtes), après une phase euphoriquement irrationnelle en début d’année : on sait cependant que l’activité était soutenue à la fois par un endettement très dangereux des particuliers, qui ont perdu toute confiance dans le dollar et qui se prémunissent de l’inflation par des achats de biens tangibles supposés être des valeurs refuges intemporelles. Partout, aux États-Unis, les points de vente s’avèrent surstockés : les ventes traditionnelles des fêtes de fin d’année ont été plus que médiocres [assez loin de ce qu’elles avaient été avant la pandémie, en 2019] et les clients locaux ont préféré venir faire leurs achats dans la zone euro, à des prix autrement plus attractifs. Les licenciements se multiplient un peu partout – et pas seulement dans la tech ou les médias, mais aussi dans les grandes chaînes commerciales ou les compagnies aériennes ! Les emprunts, carburant traditionnel des achats de luxe, sont nettement plus coûteux du fait des taux d’intérêt. Les indices basés sur les achats en cartes de crédit traduisent déjà les premiers effets de ce ralentissement…

RÉCESSION (2)…

C’est toute la machine qui est en train de se gripper, alors qu’on a promu le marché américain comme principal moteur de la croissance horlogère. Qui ment à qui ? Si les ventes fléchissent à la fois en Asie [ce que tous les rapports des groupes de luxe révèlent] et aux États-Unis, quel sera le relais de croissance pour les industries du luxe ? Chacun aura remarqué à quel point les « grandes marques » se font à présent discrètes sur leurs activités aux États-Unis, à commencer par leurs campagnes de promotion. Ne comptez pas sur les sociétés cotées pour faire état de leurs inquiétudes à propos de cet environnement récessif, qui voit déjà reculer la demande [sauf, évidemment, pour les ultra-riches à l’épreuve des crises] de particuliers qui réorientent te réorganisent leurs dépenses de consommation en mode survie plutôt qu’en mode folie. Ce qui ne peut que défavoriser les jeunes marques indépendantes, au profit d’un oligopole d’acteurs plus institutionnels qui en profiteront pour renforcer encore leur poids spécifique sur le marché ?

ÉVAPORATION…

Le réseau de sociofinancement Kickstarter n’est vraiment plus ce qu’il était : à peine six campagnes horlogères en cours, avec des souscriptions plus que médiocres. Au début des années 2020, on en aurait compté une bonne quarantaine, avec des scores à six chiffres : une évaporation de substance qui consacre la décadence ultime de ce canal, où certains ont gagné des millions, mais cet âge d’or semble révolu. Là, en ce moment, on est plutôt dans les quatre chiffres ! Une seule campagne émerge actuellement : c’est le projet Ace x GMT des montres Aerotec (Malaisie) – un mix de montre de plongée et de montre GMT, qui atteint maintenant les 50 000 euros avec 140 soucripteurs. Amusante : la gravure au verso de ce boîtier de 41,5 mm, qui permet d’admirer le mouvement automatique japonais (Seiko NH34) à travers le masque du plongeur (ci-dessous)…

RECOMMANDATION…

Chers amis lecteurs, un bon conseil : ne vous amusez pas à imprimer des captures d’écran de nos détournements graphiques pour les afficher sur les murs de vos ateliers, dans vos bureaux ou sur les établis de votre manufacture ! On comprend que voius puissiez en avoir très envie, parce qu’il s’agit le plus souvent de « choses vue » dans les coulisses de l’horlogerie. Hélas, détourner nos détournements situationnistes est très mal vu par certaines directions : ça peut même nuire gravement à votre santé professionnelle…

SÉLECTION…

Nous avons repris dans ce bloc-notes, la bonne vieille habitude du Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans notre dernière chronique « Horlotainment #21 » (Business Montres du 28 janvier). « Voyez par vous-mêmes comme nos usines tournent à plein régime : par prudence, je préfète tout stocker au cas où il y aurait des coupures de gaz et d’électricité ! » Réponse de Tintin à Milou (Tintin au pays des Soviets) : « C’est Nick Hayek qui explique aux blogueurs et aux médias perroquets que les usines de son groupe servent à produire prioritairement des stocks de sécurité (voir nos analyses : Business Montres du 25 janvier, accès libre, et Business Montres du 28 janvier, accès libre)…

 

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (1) : « Pourquoi la MoonSwatch est-elle vraiment la montre de l’année 2022 ? » (première partie : Business Montres du 26 janvier et seconde partie : Business Montres du 27 janvier, les deux séquences en accès libre)

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (2) : « Encore une ligne de cocaïne chinoise ? – le nouveau culte du cargo » (Business Montres du 24 janvier, accès libre)

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (3) : « Vous préférez le lapin très fin ou le lapin crétin ? » (Business Montres du 7 janvier, accès libre)…

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (4) : on relira aussi notre mise en perspective de 2023, avec « Les dix croyances absurdes qui risquent de plomber gravement 2023 (première partie : Business Montres du 5 janvier – deuxième partie : Business Montres du 11 janvier, le tout en accès libre)…


Coordination éditoriale : Eyquem Pons



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