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LE SNIPER DU MERCREDI (bloc-notes en accès libre)
Pourquoi il vaudrait mieux que les porteurs de la couronne changent de lunettes !

Septième Sniper de l’année 2023 : on va donc vous parler, entre autres, du culte du cargo, de Nick l’Enfumeur, d’un chouette bide sur Kickstarter et des jalousies de Rolex – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. Les qualités d’un bloc-notes selon l’excellent Sylvain Tesson ? « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Bloc-notons donc dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…


TITANICK (1)…

Business Montres commentera ultérieurement les « bons chiffres » globaux de l’horlogerie suisse en 2023 et les non moins « bons chiffres » – certes un peu moins glorieux [le groupe n’a toujours pas retrouvé son niveau d’activité pré-pandémique de 2019] – que le Swatch Group a publié hier, mais nous serions cruels de priver nos lecteurs du meilleur gag de la présentation officielle de ces résultats. Commentant l’augmentation assez inquiétante des stocks du Swatch Group, qui atteignent à présent la valeur de 6,9 milliards de francs suisses (!) pour 7,5 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires net [à peine 4,6 % de croissance à taux de change constants, pour 2,5 % à taux de change actuels, Nick Hayek s’est fendu d’une explication d’anthologie : « Ce sont des stocks de sécurité et nous avons choisi de les augmenter massivement là où c’était possible » – ceci pour se prémunir contre « de potentielles pénuries d’énergie et d’éventuels goulets d’étrangement en matière de livraison »…

TITANICK (2)…

Ce coup du « stock de sécurité » – alors que toute l’industrie travaille en flux tendu, notamment les ateliers qui fabriquent la MoonSwatch, est sans doute la plus ahurissante fake news horlogère de ce début d’année, en plus d’être le raisonnement économique le plus tordu d’après la pandémie : un demi-milliard de stocks supplémentaires[484 millions exactement, soit 7,6 % d’augmentation en produits semi-finis, en composants et en matières premières], c’est proprement démentiel avec l’imminence d’une crise économique internationale majeure. Certes, cela permet de faire fonctionner les usines du groupe et d’y maintenir les emplois, mais c’est suicidaire en raison de la fragilité que ces stocks induisent sur l’équilibre des comptes du groupe et par leur impact sur les profits et les investissements du Swatch Group. Au vu du niveau quasiment récessif des ventes, qui ne progressent que de 2,5 % quand l’ensemble des exportations horlogères affiche une croissance de 11,6 %, on comprend surtout que le Swatch Group a produit beaucoup plus qu’il n’a vendu ! Peu importe, d’ailleurs… Porté par l’euphorie des succès de la MoonSwatch [à propos desquels il n’est pour rien, ou si peu] qui le fait marcher sur l’eau, Nick l’Enfumeur est décidément très en forme…

COCAÏNE…

Avant de revenir sur notre chronique qui concernant les abus récessifs et récurrents de la « cocaïne chinoise » dans les milieux horlogers (Business Montres du 24 janvier), un retour rapide sur le « culte du cargo », avec un des morceaux du fameux album-concept expérimental de Serge Gainsbourg, Histoire de Melody Nelson (1971). Les premières paroles nous introduisent directement dans le vif du sujet : « Je sais, moi, des sorciers qui invoquent les jets » (vidéo ci-dessous). Est-ce que cette manie d’« attendre les jets » en provenance de Chine pour relancer l’économie du luxe n'évoque pas très explicitement le « culte du cargo » dont parlait Serge Gainsbourg (voir le titre d’une dépêche Reuters : ci-dessus) ?

CARGO (1)…

Nos lecteurs qui ont oublié ce qu’est le culte du cargo auquel nous faisions allusion dans notre chronique sur la « cocaïne chinoise » peuvent toujours relire la (médiocre) notice Wikipedia au sujet de ces croyances millénaristes observées chez les colonisés de Mélanésie au cours du XXe siècle (Business Montres du 24 janvier). Pour résumer sans nuances, « les indigènes, qui ignoraient l'existence et les modalités de production occidentale, attribuaient l'abondance et la sophistication des biens apportés par cargo à une faveur divine. (…) Tout ce qu’ils voyaient, c’était l’arrivée des navires et des avions. » Ce qui est à peu près la pratique de bon nombre d’horlogers européens, qui attendent le retour du… cargo chinois – avec une forme de pensée magique qui les pousse à miser sur la mythologie zodiacale chinoise pour se concilier les bonnes grâces d’un lointaine et fuligineuse divinité asiatique : on pose un lapin en guise de bâtonnet d’encens (ci-dessus).

CARGO (2)…

Notons tout de même que les titres des médias spécialisés sont très révélateurs de cette attente cargoïste du retour des jets bourrés de Chinois aux poches pleines : partout, c'est l'anxiété fiévreuse, certains se retenant visiblement de réciter leur chapelet dans les aéroports (ci-dessous : Miss Tweed, dont l’article est nettement plus nuancé)…

ROLEX…

Si vous pensez que les horloges murales ci-dessous sont des montres Rolex, ou des cadrans Rolex, ou des horloges Rolex, c’est probablement qu’un passage chez l’ophtalmologiste s’impose pour vous dans les jours qui viennent. Il s’impose aussi probablement pour le personnel de Rolex, mais ceci-ne-nous-regarde-pas ! C’est pourtant d’une telle illusion d’optique que sont victimes Sarah et Emma, deux jeunes femmes (elles sont sœurs) qui ont fondé, pendant la pandémie, la petite entreprise de services, Oyster&Pop (Royaume-Uni), pour diffuser des produits et des services « amusants et utiles pour les familles » – dont des horloges murales facturées entre 10 et 10 dollars pour apprendre aux enfants à lire l’heure. Rien de bien méchant dans tout ça, sauf que le groupe Rolex leur tombe dessus en les accusant de parasitisme commercial, leurs horloges murales prêtant à confusion avec les montres Oyster Perpetual de Rolex, ce qui constituerait un trouble manifeste pour l’exploitation de la marque Rolex et un risque de dégradation de l’image de ses montres. Les juges britanniques ont été chargés de dire le droit à ce sujet. Le groupe Rolex exige donc le retrait immédiat de la vente de ces horloges enfantines, l’entreprise familiale des deux sœurs devant être d’urgence rebaptisée. Précision utile : le nom d’Oyster&Pop choisi par les deux sœurs est celui de… la route Oyster Bend qui longe la plage du Devon à côté de laquelle elles ont grandi ! Une pétition (déjà signée par 80 000 personnes sur Change.org) circule pour soutenir Oyster&Pop contre les demandes et les prétentions judiciaires du groupe Rolex. On trouvera un bon résumé de l’affaire sur le site BusinessMatters (Royaume-Uni) : à chacun de signer ou de passer son chemin en son âme et conscience…

ANNULATION…

Les campagnes Kickstarter ne sont plus ce qu’elles étaient. Depuis le début 2023, il ne se passe rien, ou presque rien, sur le front du sociofinancement (Kickstarter). Peu de campagnes (généralement sans intérêt) et encore moins de souscriptions notables. On voit même des annulations de campagne, comme celle de Harfang, une montre de plongée mécanique Swiss Made lancée par une équipe américaine d’Alexandria (Virginie) – Harfang étant le nom français de la chouette des neiges (Bubo scandiacus ou harfang des neiges, qui est un des symboles aviaires du Québec – snowy owl en anglais. Ne nous (vous) demandez pas pourquoi une montre mécanique suisse (mouvement STP) lancée par des Américains – porte un nom de marque français ! Harfang avait affiché un objectif de 115 000 euros (?) pour cette montre Ready, annoncée à 400 dollars, mais l’équipe a tiré la prise à 4 200 euros de souscription après une semaine de campagne, ce qui n’a rien de glorieux. Il est vrai que la montre n’avait rien d’original non plus (ci-dessous), pas même sa revendication… végane !

SÉLECTION…

Nous reprenons dans ce bloc-notes la bonne vieille habitude prise par le Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans notre dernière chronique « Horlotainment #19 » (Business Montres du 24 janvier). « Puisqu’on se tue à vous dire que tout va très bien, Madame la Marquise » : la preuve par les « vérités » statistiques des mouvements de stocks entre la Suisse et les marchés exotiques, où chacun a pu bourrer les tiroirs et les vitrines de ses points de vente dans l’espoir d’une ruée des amateurs chinois vers les boutiques de luxe (voir nos informations en haut de la page)…


❑❑❑❑ SANS OUBLIER (1) : « Vous préférez le lapin très fin ou le lapin crétin ? » (Business Montres du 7 janvier)…

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (2) : on relira aussi notre mise en perspective de 2023, avec « Les dix croyances absurdes qui risquent de plomber gravement 2023 (première partie : Business Montres du 5 janvier – deuxième partie : Business Montres du 11 janvier)…

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (3) : on peut également apprécier nos « Sept leçons de 2022 qu’il ne faudra surtout pas oublier en 2023 » (« Bonnes résolutions 2023 » : Business Montres du 3 janvier)

❑❑❑❑ SANS OUBLIER (4) : nos « Dix coups de projecteur sur l’actualité des faits, des hommes et des marques » en décembre (« Baromontres » : Business Montres du 31 décembre, avec un récapitulatif de tous les coups de projecteur de l’année)…


Coordination éditoriale : Eyquem Pons



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