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SANS FILTRE #49 (accès libre)
« Il faut qu’ils aient plein de montres dans leurs trousses d’écolier ! »

L’horlogerie traditionnelle a du mal à se bouger les neurones alors qu’elle perd régulièrement des soutiens, tant du côté des jeunes générations que des seniors, plus « accros » à la montre connectée de santé qu’à l’icône statutaire – on parle ici des montres qu’on porte, pas de celles qui servent à spéculer. Pour ce qui est des jeunes générations, on pourrait profiter de la prochaine rentrée des classes pour reprendre des bonnes habitudes…


Voici quelques décennies (deux ou trois tout au plus), la montre était considérée comme un des « outils » les plus indispensables à tous les poignets, « de sept à soixante-dix sept ans » comme disait la fameuse publicité du magazine Tintin. La situation a terriblement évolué, sous le double impact des prothèses numériques qui ont envahi notre quotidien : le téléphone portable (smartphone) qu’on dégaine à tout va et qui sert notamment à donner l’heure et, plus récemment, la montre connectée (smartwatch) dont les applications médicalisées font un accessoire quasiment obligatoire dans la vie des seniors qui doivent surveiller leur tension, calibrer leur activité quotidienne ou même contrôler l’oxygénation de leur sang. Ce sont autant de gisements « naturels » de consommateurs qui s’assèchent pour les montres d’horlogerie qui ont choisi la fuite en avant dans l’hyperluxe et dans un inflation tarifaire plus profitable à court terme, mais désastreusement stérilisante à moyen et long terme. C’est ainsi, on ne commence plus à porter de montre traditionnelle dans sa préadolescence [c’était une « cadeau de communion » avant la déchristianisation de l’Europe], mais seulement à son mariage ou à son entrée dans la vie professionnelle, pour ensuite cesser d’en porter peu avant la retraite, quand les impératifs de santé l’emportent sur les considérations statutaires et ostentatoires – ceci pour les montres qu’on porte effectivement au quotidien, pas pour les icônes qui nous servent de monnaie parallèle…

Quand quatre sur cinq des moins de vingt ans ne portent plus de montres « classiques », on doit commencer à se poser des questions sur une tradition qui se perd sans que personne ne bouge le petit doigt pour la défendre. Avec un peu d’imagination, les autorités de l’horlogerie pourraient lancer des campagnes collectives ciblées [pour une catégorie de produits, pas explicitement pour des marques] en profitant de l’actualité du calendrier. Par exemple, ne serait-il pas temps de réintroduire les montres dans un univers scolaire d’où elles ont été expulsées par les heures digitales des écrans téléphoniques, ne serait-ce que pour réapprendre aux enfants à lire l’heure de façon analogique [il semblerait qu’un sur deux n’en soit plus capable au-dessous de dix ans, faite de pratique autant que d’éducation] ? Dès que les responsables de la FH suisse seront sortis de leur sieste, ils pourraient entreprendre une promotion pour le retour de la montre – celle qu’on porte au poignet, avec un cadran et des aiguilles, voire des chiffres – dans le cartable et dans la trousse des écoliers : en période de rentrée scolaire, pourquoi la montre ne deviendrait pas un article aussi recommandé que le compas, le double décimètre ou le stylo-bille ? Comme disait Charles Trenet dans son Jardin imaginaire, « il suffit pour ça d’un peu d’imagination ». 

Nous hélons ici la FH suisse et le célèbre « édredon exterminateur » qui la préside, mais l’interpellation concerne tout aussi directement les autorités de la montre en France [où Francéclat dépense des centaines de milliers d’euros pour inciter à changer de montre quand on change d’heure !], en Italie, en Belgique, en Allemagne et plus généralement au sein de l’Union européenne, puisqu’il existe une coordination continentale des FH. C’est dans ses jeunes années qu’on prend de saines habitudes, celle de porter une montre à son poignet n’était pas la moindre. On ne pourra d’ailleurs que déplorer que les maisons horlogères – y compris celles qui proposent différentes lignes de montres pour « enfants » [Flik Flak pour le Swatch Group, Ice-Watch, Timex, Casio et tous les autres] en viennent à se désintéresser des consommateurs pré-adolescents (8-15 ans pour ratisser large), qui ne portent plus de « montres pour enfants » mais qui n’ont pas encore accès aux « montres de grands » : il y a un inexplicable trou béant dans les gammes traditionnelles de l’horlogerie – trou noir qui s’explique surtout par le manque d’imagination des maisons concernées. Le jour où les marques de luxe auront compris le potentiel de ce marché pré-adulte dans les familles aisées et quand on commencera à voir des teenagers avec des petites Louis Vuitton, des Hermès redimensionnées, des Chanel adolescentes ou des mini-Hublot au poignet, les marques mainstream auront du souci à se faire pour attraper le train en marche…

Il serait d’ailleurs de la responsabilité des grands groupes horlogers européens versés dans l’horlogerie [on pense ici au Swatch Group ou à LVMH] de faire pression sur l’officialité horlogère pour mettre en chantier, à l’occasion de la rentrée sociale, des campagnes collectives pour la promotion de l’horlogerie préadolescente : ce serait une manière intelligente de ne pas insulter l’avenir et de préparer la relève. Le tout n’est pas d’essayer de regonfler sans se lasser la sempiternelle bulle spéculative, mais de détecter et de faire gonfler de nouvelles bulles de développement de l’attraction pour les montres. On va vous laisser réfléchir là-dessus…

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #40 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #48 « Les médias qui parlent de montres sont à l’horlogerie ce que la gynécologie est à l’érotisme » (Business Montres du 2 avril)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #47 « Tourbillon saphir à 9 000 CHF : « On nous cache tout, on nous dit rien ! » (Business Montres du 22 mars)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #46 « Les horlogers ont oublié que l’histoire était tragique et qu’il fallait se méfier des prévisions rationnelles »(Business Montres du 15 mars)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #45 « Alerte rouge : une fabuleuse arnaque est en formation » (Business Montres du 9 mars)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #44 « À propos du conflit en Ukraine, de trop rares courageux ne compensent pas une masse de frileux et de peureux » (Business Montres du 2 mars)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #43 « Amis détaillants, ne poussez quand même pas le bouchon trop loin ! » (Business Montres du 8 février)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #42 « Le jour où le Yuka de la montre sera au point, l’horlogerie tremblera » (Business Montres du 26 janvier)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #41 « Reviens, Pierre, on a encore besoin de toi ! » (Business Montres du 11 janvier)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #40 Les marques horlogères ont-elles décidé de se débarrasser de leurs propres boutiques ? (Business Montres du 5 décembre 2021)

Coordination éditoriale : Eyquem Pons


 

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