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SANS FILTRE #42 (accès libre)
« Le jour où le Yuka de la montre sera au point, l’horlogerie tremblera »

Tout le monde connaît Yuka, l’application mobile qui permet de scanner les produits de la distribution (alimentaire ou cosmétique) pour les noter et mieux « protéger » les consommateurs. À quand une évaluation des montres ?


Si vous ne connaissez pas le NutriScore que propose Yuka, c’est que vous vivez sur une autre planète ! Regardez donc, dans les allées des supermarchés, le nombre de consommateurs qui scannent le code-barres d’un quelconque produit pour en découvre la note attribuée par Yuka et, souvent, reposer le produit en rayon parce que Yuka leur conseille de ne pas l’acheter. Cette application a déjà été chargée 26 millions de fois, dont 16 millions de fois en France, et elle compte à peu près six millions d’utilisateurs actifs, qui vérifient sur Yuka la composition de leurs achats, la liste des additifs avoués par les industriels, les risques d’allergie, la note attribuée par l’application et le commentaire général de Yuka sur chaque produit. C’est le fameux NutriScore.

Évidemment, c’est parfois, sinon souvent, assez ridicule : indiquer qu’un saucisson est à la fois trop gras et trop salé, donc déconseillé, c’est parfaitement risible ! En revanche, découvrir qu’on a bourré ledit saucisson de colorants [les E100] et d’additifs à la nomenclature inquiétante [la série des fameux E200, E300 et autres E400] est une information utile aux consommateurs.

Les industriels et les géants de l’agroalimentaire ont tout fait pour interdire Yuka [de nombreux procès ont été intentés aux créateurs de l’application, qui ont réussi à rester indépendants], mais ils ont senti passer le vent du boulet et ils commencent à modifier leurs recettes pour éviter la fatale « pastille rouge » et à mettre en place leurs propres applications pour rendre plus transparent la composition de leurs produits. C’est aussi que 94 % des utilisateurs de Yuka ont cessé d’acheter des produits déconseillés par l’application ! Les consommateurs y ont déjà gagné des produits moins gras, moins sucrés, moins riches en acides gras saturés et moins portés sur le colorant et l’additif. Le mouvement est tout aussi sensible dans le cosmétique…

Et l’horlogerie dans tout cela, où en est-elle pour la transparence de ses « ingrédients » [on peut parler ici de « composants »], de son rapport qualité-prix, de la valeur de revente de ses pièces et de tout ce que n’avoue jamais la « langue de boîte » officielle des marques. À quand une WatchScore qui noterait les principales références du marché ? Plusieurs petits génies y travaillent, avec plus ou moins de culture horlogère et le renfort d’équipes mobilisées dans tout le sous-continent indien. Mission pas impossible, mais pas vraiment facile faute d’un système collectif de codes-barres. Néanmoins, l’intelligence artificielle peut suppléer cette anarchie des références en permettant l’identification optique de chaque modèle avec une précision voisine de la perfection. Quand on voit le succès d’une jeune marque indépendante comme Code41 et le plébiscite de sa stratégie de transparence vis-à-vis de la communauté des amateurs, on comprend que les attentes sont fortes.

Si un tel WatchScore existait, il est probable que les marques horlogères bullshiteraient moins dans leur communication, en nous faisant prendre des mouvements industriels pour des calibres « manufacture » [Panerai a récemment érodé une partie de son image avec ce genre de farce], des séries pas très limitées pour des pièces uniques, de la peinture laquée pour de l’émail grand feu ou des prétentions marketing pour de fantastiques world premieres pas vraiment innovantes. Que d’erreurs seraient évitées en matière d’ergonomie, de boîtiers déséquilibrés, de bracelets inconfortables, voire blessants, ou de lunettes tournantes qui glissent entre les doigts ! Que de tromperies seraient condamnées, notamment ces cuirs de qualité médiocre qui voudraient se faire passer pour des articles de grande sellerie, ce Super-LumiNova [quand c’en est vraiment] badigeonné avec une avarice qui le rend inopérant après quelques secondes de pénombre ou ces services après-vente qui facturent leur absence de service à des prix de vente non négligeables ! On pourrait continuer longtemps une telle liste…

Reste qu’un petit malin est sans doute en train de créer, en ce moment, ce qui deviendra peut-être, demain, une licorne horlogère capable de disrupter l’offre horlogère – un peu comme Yuka a pu influencer le marché agroalimentaire. Ce n’est sans doute plus qu’une question de mois : il serait peut-être temps que les marques réfléchissent au fait qu’elles seront vite challengées – dans quelques mois ou dans quelques années – par des amateurs de plus en plus exigeants et de mieux en mieux informés. Le temps de la « langue de boîte » obtuse et désinformante relève du « monde d’avant ». On vous laisse réfléchir là-dessus…

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #40 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #41 « Reviens, Pierre, on a encore besoin de toi ! » (Business Montres du 11 janvier)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #40 Les marques horlogères ont-elles décidé de se débarrasser de leurs propres boutiques ? (Business Montres du 5 décembre 2021)


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