SANS FILTRE #57 (accès libre)
L’année prochaine, le 10 octobre, précisément, à 10 h 10 !
Excellente initiative de Judikaël Hirel dans Le Figaro, qui plaide pour l’instauration, dès 2023, d’une Journée mondiale de la montre, sur le modèle de ces « journées mondiales » préconisées par les autorités supranationales. On s’y risque ?
❑❑❑❑ À NOS LECTEURS : de violentes cyberattaques ont tenté de nous clouer au sol pour nous condamner au silence. Qui, pour qui, pourquoi ? On vous laisse deviner ! Contre qui ? C’est évident : contre le seul média horloger qui assure tant bien que mal sa fonction de poil à gratter indépendant des pressions et des intimidations économiques. En attendant, nous avons réparé ce qui pouvait l’être, mais nous avons dû provisoirement fermer notre système d’achat à l’article, que nous sommes en train de repenser. Désolé pour les lecteurs occasionnels, mais nous avons décidé, pour compenser, de ramener à 5 francs suisses [un prix proche des 4 CHF qui était celui de chaque article] le prix de l’abonnement hebdomadaire, qui vous permet de profiter de toutes les informations pendant toute une semaine. Pour les mêmes raisons d'intrusion malveillante et pour préserver la sécurité de nos échanges, nous avons également dû suspendre provisoirement l'envoi de notre newsletter quotidienne. Ce n'est que partie remise…
Des « journées mondiales », les agendas de l’Unesco et de l’ONU en sont remplis : pour ce seul mois d’octobre 2022, on en compte 18, qui vont de la « Journée mondiale des oiseaux migrateurs » (8 octobre) à la « Journée mondiale de la statistique » (20 octobre), en passant par la « Journée mondiale de la fille » (11 octobre) et la « Journée mondiale des femmes rurales » (15 octobre). Autant de nobles causes parfaitement respectables, qui se dupliquent de mois en mois tout au long de l’année jusqu’à former un calendrier complet d’une grosse centaine de rendez-vous, sans qu’on distingue clairement ce qui relève de la « journée mondiale » et de la « journée internationale ». Tous les sujets sont abordés, de la « Journée internationale des astéroïdes » à la « Journée mondiale de sensibilisation aux tsunami » : il ne manque à une liste qui ressemble parfois à un poème de Jacques Prévert que la « Journée mondiale des journées internationales »…
vMais, dans tout ce fatras mondialistement mobilisé, pas la moindre trace d’une préoccupation qui accompagne les hommes depuis l’aube de leur histoire [on sait aujourd’hui que bon nombre de peintures rupestres ou de grottes ornées étaient des ancêtres de nos « calendriers » astronomiques] : celle du temps qui passe et des objets qui y sont associés. Les codes horaires traditionnels (douze heures de soixante minutes pour des journées de vingt-quatre heures) ont été fixés voici plus de cinq mille ans, différents objets du temps (cadrans solaires, sabliers, etc.) servant à matérialiser la fuite des heures selon ces codes. Nos montres-bracelets contemporaines, mécaniques ou connectées, ne sont que les descendants des gnomons antiques, de la Machine d’Anticythère, des horloges astronomiques de nos cathédrales, des chronomètres de marine et des montres de poche – tous objets qui ont servi aux hommes à se situer dans l’espace et dans le temps, en étant toujours associés aux progrès scientifiques. Aujourd’hui encore, reliés à d’impressionnants réseaux de satellites géostationnaires, ces objets du temps – nos horloges « atomiques » précises à quelques milliards d’années près – sont au cœur de notre présence au monde, dans l’univers comme dans le métavers…
Dans ces conditions, pourquoi ne pas instaurer une « journée mondiale de la montre », qui serait une forme d’hommage international à tous les métiers de la mesure du temps ? C’est le très intelligent plaidoyer de notre ami Judikaël Hirel, qui nous le rappelle dans Le Figaro de ce jour : « Quand les vélos, les frites ou la barbe se voient consacrer une journée mondiale, les montres, elles, n’en ont toujours pas [de journée mondiale]. Un oubli à réparer d’urgence ! ». Quelle bonne idée, le 10 octobre 2023 étant une date idéale – inutile de vous faire une conférence sur l’importance du 10/10 pour l’horlogerie, étant entendu que toutes les aiguilles de tous les cadrans de toutes les montres dans toutes les boutiques horlogères du monde pourraient être réglées ce 10 octobre-là, à 10:10 précisément. Octobre étant traditionnellement un mois « creux » dans le calendrier horloger, une telle journée serait un excellent relais de communication en vue des activités médiatiquement et commercialement plus chargées de novembre et de décembre. On imagine déjà le buzz mondial et l’immense courant de curiosité et de sympathie que s’attireraient les métiers de la mesure du temps. C’est toujours mieux que de ne plus parler de montres que pour signaler des braquages ou des agressions, quand ce n’est pas pour les associer aux rapines des malfrats et des malfaisants de cette planète, qui adorent visiblement les belles montres…
« Les raisons de créer une telle journée ne manquent pas, nous explique Judikaël Hirel : quand l’assemblée générale de l’ONU rend hommage au vélo, elle salue dans la résolution visant à créer le World Bicycle Day “la longévité et la polyvalence uniques de la bicyclette, utilisée depuis deux siècles, simple, abordable, et durable d’un point de vue environnemental”. On pourrait dire exactement la même chose, quasiment mot pour mot d’une montre, produite, achetée, portée, offerte, par millions chaque année, des plus abordables aux plus onéreuses. Utile, versatile, polyvalente, durable… Elle répond aux attentes et désirs de chacun, du simple fait de donner l’heure avec style jusqu’aux mouvements les plus extrêmes. Elle fonctionne des décennies durant sans jamais s’arrêter, traversant les siècles en passant de mains en mains, ou plutôt de poignet en poignet, se métamorphosant peu à peu en un irremplaçable souvenir de famille. Comment passer, enfin, à côté des emplois que l’horlogerie crée non seulement au sein de la patrie du Swiss Made, mais aussi à travers le monde : concepteurs, assembleurs, horlogers, commerciaux, vendeurs… L’influence de ce si petit objet, qu’il soit mécanique et suisse ou japonais ou américain et connecté, sur la bonne santé de l’économie est tout simplement énorme ».
C’est là qu’on regrette que l’officialité horlogère suisse soit théoriquement animée (sic) par les ectoplasmes de cette FH suisse dont l’excellent, invisible et mutique Jean-Daniel Pasche est le président. Peut-être faudrait-il imaginer de confier le pilotage de la mobilisation en vue de cette Journée mondiale de la montre du 10 octobre 2023 à des équipes françaises comme celle de Francéclat, structure qui semble décidée à se bouger, ou de la FH française. Les différentes FH européennes devraient suivre, de même que les associations faîtières dans les grandes nations horlogères, qui craignent toujours – non sans de bonnes raisons – l’impérialisme culturel des Suisses dans ce domaine. Il ne resterait plus ensuite qu’à convaincre les marques, qui auront certainement d’autres chats à fouetter, et les réseaux de distribution un peu partout dans le monde. Le tout est une question de volonté beaucoup plus que de moyens : que ceux qui sont contre lèvent le doigt !
Merci donc, encore une fois, à Judikaël Hirel pour cette excellente et brillante prise de parole, sur un thème fédérateur qui devrait calmer au moins provisoirement les querelles de territoires entre les marques et leurs dérives dans le tout-à-l’égo managérial : un an, c’est long et c’est court pour organiser la mise en place et la coordination des initiatives locales – pourquoi pas avec le soutien des institutions internationales – et la mobilisation des communautés d’amateurs de montres. On attend maintenant avec impatience les premiers soutiens de la part des marques, qui semblent toujours si friandes d’opérations périphériques pour améliorer leur image…
NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES
Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #50 ci-dessous)…
❑❑❑❑ SANS FILTRE #56 : « Tant qu’à faire, allons-y gaiement, pourvu que ce soit électriquement » (Business Montres du 8 octobre)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #55 : « Cette curieuse et délicieuse impression d’une dernière danse au-dessus d’un volcan » (Business Montres du 5 octobre)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #54 : « Le vertigineux trou noir du marché de la seconde main » (Business Montres du 29 septembre)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #53 : « Une savoureuse petite histoire (vraie) de corruption horlogère » (Business Montres du 3 septembre)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #52 : « La boule de neige chinoise qui descend la pente va-t-elle se transformer en avalanche ? » (Business Montres du 23 août)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #51 : « C’est peut-être Timex qui a trouvé l’argument le plus percutant contre les smartwatches » (Business Montres du 22 août)
❑❑❑❑ SANS FILTRE #50 : « Le blanc ne devient-il pas la couleur la plus disruptive pour un cadran de montre ? » (Business Montres du 13 août)