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DÉSINTOX (accès libre)
Tout compte fait, cet accord de libre-échange avec la Chine, c’était peut-être du bidon et de l’enfumage !

Et, finalement, c’était peut-être « Business Montres » qui avait raison d’avoir des doutes sur la consistance de cet accord, unanimement loué par l’établissement horloger et par les médias perroquets, qui nous le présentait comme le huitième merveille du monde : il devient d’urgent de lancer un programme de « désintox éditoriale ». Une illusion en amont, ce sont des centaines d'emplois supprimés en aval…


Tiens, c’est bizarre, quatre ans après la signature de cet accord commercial avec les Chinois, certains commencent à y voir plus clair. « Les accords de libre-échange ont un impact limité », avoue pudiquement Le Temps (21 juillet), qui nous apprend que la Confédération a déjà signé 28 de ces accords de libre-échange. Une pratique on ne peut plus normale et même louable pour une nation aussi centralement enclavée en Europe que la Suisse. Une pratique qui ne doit cependant se confondre avec le déploiement d’un rideau de fumée, ni se réduire à la classique opération d’enfumage médiatique.

Que nous avouent à présent les autorités suisses, selon Le Temps ? Le comité de gestion du Conseil national est très clair à propos de ces ALE (accords de libre échange) : « Les ALE n’ont, sur le commerce extérieur suisse, que peu d’effets directs qui soient empiriquement vérifiables. (…) Les compte-rendus du Conseil fédéral restent très généraux et renvoient peu aux effets concrets. (…) Souvent, il est même difficile d’effectuer une évaluation des conséquences des accords, par manque d’informations précises. (…) L’évolution des exportations suisses dépend davantage de la conjoncture mondiale dans les pays importateurs ». C’est avouer publiquement l’enfumage des opérations de communication autour de ces ALE…

Prenons le seul exemple de l’accord de libre-échange signé avec la Chine en juillet 2013 (document officiel à télécharger ICI) Le même quotidien Le Temps nous parlait alors d’un « événement majeur » (ci-dessus). Le Secrétariat d’État à l’économie nous annonçait alors une croissance des exportations vers la Chine de 10,5 % « dans les quatre premières années qui suivent un tel accord commercial » [au lieu de quoi, nous avons constaté, quatre ans plus tard, un effondrement de 50 % de ces exportations vers l'empire chinois !]

Un seul – vraiment seul, très seul ! – média avait à l’époque douté de la réalité paradisiaque de cet ALE : votre Quotidien des Montres, qui parlait de « coup de bluff » avant la signature (Business Montres du 28 mai 2013) et qui expliquait alors que cet accord de libre-échange s’annonçait comme un « non-événement pour l’horlogerie ». Nous n’aurons pas la cruauté de reprendre les citations des « experts », des naïfs et des imbéciles qui nous annonçaient alors que c’était le début d’un nouvel âge d’or pour les montres suisses en Chine…

Business Montres considérait alors que les baisses de prix attendues n’auraient pas lieu. Avec ce pari : « Que la première marque qui baissera ses prix de 18 % en Chine nous jette la première pierre » ! Personne n'est évidemment venu nous caillasser... La FH et l’établissement horloger laissaient alors croire que ces accords étaient l’amorce d'une relance du marché chinois et que les prix allaient logiquement baisser de 60 % en Chine, alors qu’il ne s’agissait que d’une baisse de 60 % des seuls droits de douane sur dix ans ! Business Montres avait révélé comment ces droits de douane ne représentaient qu’une part dérisoire du prix des montres vendues en Chine (graphique ci-dessous). Les médias perroquets n’en tartinaient pas moins avec frénésie sur les avantages que la branche allait tirer de cet accord…

D’autres articles de Business Montres revenaient par la suite sur cet ALE avec la Chine. En situant ces accords dans le cadre de la violente campagne anti-corruption à laquelle personne ne songeait en Suisse (campagne repérée par Business Montres, qui lançait l’alerte, pièces à l’appui : ci-dessous), nous nous demandions : « Qui va prendre le risque d’acheter sur place [en Chine] des montres suisses que la morale prolétarienne bannit des poignets ? » (Business Montres du 19 juin 2013). D’autant que la « bulle du globe shopping » chinois commençait à donner des signes de faiblesse, ce dont personne dans la profession ne semblait s’inquiéter (Business Montres du 25 juin 2013). Il y avait alors de quoi rire.. jaune : « Gargarisons-nous, mes frères, mais félicitons surtout les Chinois » (Business Montres du 5 juillet 2013). Confirmation le lendemain : « C’est un coup de bluff ridicule et un coup d’épée dans l’eau » (Business Montres du 6 juillet 2013).

Difficile d’être plus clair pour expliquer les Suisses n’avaient « rien compris à la manœuvre » (Business Montres du 12 juillet) ! Ceci au moment où Le Quotidien du peuple, organe officiel du Parti communiste et de l’oligarchie chinoise, exultait : « On s'attend généralement à ce que l'ALE entre “le cœur de l'Europe” et la deuxième économie du monde renforce la relation gagnant-gagnant entre les deux pays, mais serve également de modèle pour la coopération économique entre Beijing et Bruxelles, dans un climat de tensions anti-dumping ». De quoi permettre à Grégory Pons (Business Montres) d’argumenter un peu plus précisément à la Radio suisse (RTS, lecteur ci-dessous) le 6 juillet 2013 : « Il suffit d’y croire, mais on ne vendra pas plus de montres suisses en Chine. Nous avons été victimes d’une entourloupe de la part des Chinois ! L’horlogerie s’est mise dans une position ridicule » – le ton de ce reportage de la RTS situe assez bien les illusions de l’établissement suisse à l’époque de la signature de cet ALE…

En prenant un peu de recul, certains médias admettaient ensuite que la mariée n’était pas aussi belle qu’on le leur avait promis : « La Suisse pourra exporter du crocodile en Chine, mais du jambon », notait joyeusement Le Temps le 11 juillet 2013. Il était… temps pour un Temps (8 juillet 2013) qui se félicitait encore, quelques jours auparavant, de voir la Chine établir grâce à la Suisse une « tête de pont en Europe » – ce qui reprenait le pur point de vue des Chinois : on reste épaté par la prescience de ces « experts » médiatiques ! Petit à petit, les yeux se dessillaient, mais il était un peu tard : la « machine à produire de l’optimisme » avait enfumé toute la profession et désarmé par avance toute velléité de riposte à la crise qui commençait à déferler…

Moralité : les doutes du Conseil national après quatre ans de mise en place de ces accords de libre-échange (notamment avec la Chine) doivent nous faire réfléchir aux futurs enfumages médiatiques qui nous attendent. Reconnaître qu’il y a aujourd'hui plus que des doutes à avoir sur l’ALE avec la Chine [c’est le plus important de tous] est déjà un progrès ; éviter de se faire avoir la prochaine fois serait une avancée décisive. Spécialité suisse née de la très efficace pratique du consensus politique, la « machine à produire de l’optimisme » trouve ses limites quand la conjoncture se retourne : il faudrait peut-être que le Conseil national cesse d’écouter béatement les autorités disqualifiées de la branche horlogère [en particulier, la FH], qui n’ont jamais rien vu venir et qui ont une fâcheuse tendance à toujours nier ce qui n’arrange pas les grandes puissances de la montre [celles qui financent la FH et qui paient ses dirigeants]. Les anticipations de Business Montres prouvent qu’il y a des opinions alternatives et des analyses dissidentes dont il faudrait tenir compte : une illusion en amont, ce sont des centaines d’emplois sacrifiés en aval ! Il ne serait pas non plus inutile que les médias fassent leur acte de contrition et cessent de prendre les vessies qu’on leur propose pour des lanternes capables d’éclairer l’avenir…


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